L'Institut Pasteur de la Guyane française et du Territoire de l'lnini a été créé le 7 décembre 1940 par contrat passé entre le Gouvernement de la Guyane Française et l'Institut Pasteur à Paris. Ses missions sont structurées autour de trois axes : les analyses biologiques, les actions de santé publique et les travaux de recherche. En 1946, avec les lois de départementalisation, le territoire de l'Inini devenant l'un des deux arrondissements (dénommé Saint-Laurent-du-Maroni) du nouveau département d'Outre-mer de la Guyane. L'Institut devient alors l'Institut Pasteur de la Guyane (IPG), son contrat avec le Département de la Guyane étant renouvelé le 8 novembre 1948.
Les premiers travaux menés débutent par un vaste inventaire de la pathologie infectieuse locale : blastomycose, brucellose, maladie de Chagas, dysenterie bacillaire, helminthiases, leishmaniose cutanée, lèpre, leptospirose, paludisme, salmonelloses, spirochétoses, tréponématoses, tuberculose et surtout en entomologie que l’œuvre est considérable. Parmi les moustiques, les anophèles, en particulier Anopheles darlingi, font l’objet d’une attention toute particulière. La biologie et l’écologie de cette espèce sont ainsi étudiées et son rôle primordial dans la transmission du paludisme est clairement établi. D’autres moustiques font aussi l’objet d’un important travail, notamment Aedes aegypti, vecteur de la fièvre jaune et de la dengue, Culex pipiens, vecteur de la filariose lymphatique et sur les phlébotomes, permettant de mieux comprendre l’épidémiologie de la leishmaniose cutanée en Guyane.
A la fin des années 60, les recherches sur les arbovirus s’amplifient faisant intervenir l’homme, les arthropodes et certains mammifères. Plusieurs centaines de souches correspondant à une vingtaine d'arbovirus sont ainsi isolées de moustiques, de mammifères, d'oiseaux et de cas humains. Certaines souches représentent des virus nouveaux et prennent la dénomination des lieux où ils ont été identifiés : virus Tonate, Rochambeau ou Cabassou.
Par tradition à l’Institut Pasteur, les recherches menées en Guyane ne sont jamais éloignées de leur application. Un programme de recherche sur la mise au point d'un vaccin antipaludique est initié en 1977 et se poursuivra jusqu’à la fin des années 90, en collaboration avec l’Institut Pasteur à Paris. Ces études nécessitaient l’utilisation d’un modèle animal : ce fut le singe écureuil, Saïmiri sciureus. Ce modèle animal permit d’étudier les mécanismes immunologiques du paludisme, notamment la réponse en anticorps de l’hôte contre le parasite conduisant les équipes de recherche à plusieurs dépôts de brevets sur différents candidats-vaccins et à publier des nombreux articles scientifiques. Ce modèle animal a aussi été utilisé pour mieux comprendre l’infection par l’onco-rétrovirus virus HTLV-1 et pour la mise au point d’un vaccin contre ce virus.
Depuis 1981, l’Institut Pasteur de la Guyane est membre du Réseau International des Instituts Pasteur (RIIP). L’Institut Pasteur de la Guyane occupe une position géographique centrale au sein du Pôle Amérique qui comprend 4 instituts (Montréal, Guadeloupe, Guyane et Montevideo) et une institution correspondante au Brésil (Fiocruz).
Comme au tout début de sa création, la mission pasteurienne en Guyane s’articule toujours autour de quatre composantes : la recherche, l’appui à la santé publique, l’enseignement et la formation, et les services à la population.
La Guyane, de par son développement économique, son essor démographique et l’intensification des flux migratoires, est ainsi sujette à de profonds changements dans l'occupation de son territoire, conduisant à de fortes pressions sur les milieux naturels. Ces changements environnementaux liés à l’agriculture intensive, la conversion de zones forestières en terres agricoles et l’urbanisation toujours croissante favorisent l’émergence de nouvelles pathologies, l’éclosion de foyers infectieux et la survenue d’épidémies. Les populations humaines sont en effet de plus en plus fréquemment en contact direct avec le milieu forestier, conduisant à des contacts accrus entre l’homme et les vecteurs/transmetteurs d’agents pathogènes d’origine zoonotique.
Au cours des dernières années, cette situation s’est traduite en Guyane par la réémergence chez l’homme de plusieurs épidémies. Dans ce contexte, l’Institut Pasteur de la Guyane s’est engagé dans un processus visant à renforcer les interactions et la multidisciplinarité afin de construire une vision et une stratégie scientifique, collective et partagée. Les problématiques sont donc abordées de manière intégrée grâce à la complémentarité d’équipes pluridisciplinaires (virologues, entomologistes, parasitologues, médecins, vétérinaire, épidémiologistes...) sur trois axes de recherche stratégiques :
De plus, l’Institut Pasteur de la Guyane abrite plusieurs centres de référence nationaux (CNR) et internationaux sur les maladies infectieuses et la résistance aux agents antimicrobiens. Les laboratoires de référence de l’Institut, sont reconnus pour leurs compétences en matière de diagnostic de certaines maladies (Chikungunya, Dengues, génotypage VIH, paludisme, tuberculose) chez nos voisins surinamais et brésiliens ainsi que la Caraïbe.
Les travaux de Louis Pasteur et de ses successeurs sont une grande source d'inspiration pour tous. La rigueur, le dynamisme et l'enthousiasme qu'ils ont montrés pour que l’Institut réponde aux défis en matière de recherche et de ses applications, sont exemplaires. C'est avec la même énergie et le même enthousiasme que l’Institut Pasteur de la Guyane devra mener ses travaux dans les années à venir, fidèle aux valeurs qui nous ont été transmises par Louis Pasteur et les grands Pasteuriens qui nous ont précédés.
L’Institut Pasteur de la Guyane est donc un acteur majeur de recherche et d’appui à la santé publique. Il participe activement à l’amélioration de la vie de la population guyanaise et à la diffusion du savoir. Il participe aussi à l’effort global de la recherche internationale dans la lutte contre les maladies infectieuses dans le monde depuis plus de 75 ans.
Dr Mirdad KAZANJI
Directeur de l’Institut pasteur de Guyane