L’efficacité de traitements antipaludiques impactée par la résistance à la pipéraquine observée en région amazonienne

Des chercheuses du Laboratoire de Parasitologie de l’Institut Pasteur de la Guyane, Centre National de Référence du Paludisme, Centre Collaborateur OMS pour la surveillance des résistances aux antipaludiques et membre du Pasteur Network, en collaboration avec des paludologues de plusieurs pays, décrivent de nouvelles données sur la résistance à la pipéraquine développée par les parasites à l’origine du paludisme. Ils révèlent notamment que plus de la moitié des parasites collectés sur le plateau des Guyanes cette dernière décennie étaient résistants. Les résultats de ces travaux , publiés dans The Lancet Infectious Diseases, sont en faveur de l’arrêt de la prescription des médicaments incluant de la pipéraquine dans cette zone et dans l’Hexagone pour les patients en revenant.


Plasmodium falciparum est l’espèce la plus mortelle responsable du paludisme à travers le monde. Sur recommandation de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), cette infection est actuellement traitée par des associations de deux molécules contenant un dérivé de l’artémisinine et une molécule partenaire. Six associations de ce type sont actuellement commercialisées dans le monde et font l’objet d’une surveillance accrue de leur efficacité pour détecter au plus vite l’émergence de parasites ayant développés des résistances.


Dans ce contexte, les chercheuses du laboratoire de parasitologie de l’Institut Pasteur de la Guyane, en partenariat avec le Service de Santé des Armées, ont évalué l’efficacité de l’association dihydroartémisinine-pipéraquine (DHA-PPQ) chez patients infectés par P. falciparum en Guyane. Des cas d’échecs thérapeutiques ont été recensés chez des légionnaires de retour de mission de lutte contre l’orpaillage en forêt amazonienne.


Des analyses génétiques et de comportement des parasites ont révélées que ces parasites étaient résistants à la pipéraquine, la molécule partenaire de la dihydroartémisinine. Les marqueurs génétiques associés à cette résistance ont été identifiés et ont permis de montrer que plus de la moitié des parasites en Guyane collecté cette dernière décennie étaient résistants. Les collaborations avec des chercheurs de plusieurs pays de la région amazonienne ont mis en lumière la présence de ces parasites au Suriname et au Guyana chez plus de la moitié des échantillons analysés.

Schizonte de Plasmodium falciparum dans son globule rouge marqué au niveau de la protéine ATP4 et Hoechst au niveau des noyaux. © Institut Pasteur de la Guyane

 

Une dynamique d’apparition de la résistance variable selon les régions

D’un point de vue évolutif, l’émergence de cette résistance dans la région amazonienne a d’abord été associée à la présence de la mutation dans le gène pfcrt (C350R), gène initialement associé à la résistance à la chloroquine (chloroquine resistance transporter) puis trois ans plus tard, à l’amplification des gènes plasmepsines 2 et 3, tout cela, sans résistance à la dihydroartémisinine associée. Cette dynamique d’apparition de la résistance se distingue de celle observée à six ans d’intervalle en Asie du Sud-est.

Dans cette région, la dynamique des gènes sélectionnées était inversée avec qui plus est, des parasites d’abord résistants à l’artémisinine, puis à la pipéraquine. Ces spécificités confirment l’évolution spécifique des parasites en fonction de leur fond génétique et donc de leur origine géographique ce qui impose de rester vigilants dans toutes les zones de transmission.


Vers des recommandations sur l’utilisation des traitements

L’émergence de cette nouvelle résistance en Amérique du Sud interpelle sur le nombre de médicaments antipaludiques restant efficaces. En effet, sur les six polythérapies à base d’artémisinine (ACT) actuellement commercialisés dans le monde, seules deux restent efficaces dans la région.

Ces données ont fait l’objet d’un signalement auprès des autorités de santé pour recommander l’arrêt de la prescription de l’ACT incluant la pipéraquine sur le plateau des Guyanes et dans l’Hexagone pour les voyageurs revenants de cette zone.

 

Sources :

Impact of piperaquine resistance in Plasmodium falciparum on malaria treatment effectiveness in the Guianas : a descriptive epidemiological study
Celia Florimond, Franck de Laval, Angela M Early, Swaélie Sauthier, Yassamine Lazrek, Stéphane Pelleau, Wuelton M Monteiro, Maxime Agranier, Nicolas Taudon, François Morin, Magda Magris, Marcus V G Lacerda, Giselle M R Viana, Sócrates Herrera, Malti R Adhin, Marcelo U Ferreira, Charles J Woodrow, Ghulam R Awab, Horace Cox, Maria-Paz Ade, Emilie Mosnier, Félix Djossou, Daniel E Neafsey, Pascal Ringwald, Lise Musset

The Lancet Infectious Diseases,16 octobre 2023
DOI : https://doi.org/10.1016/S1473-3099(23)00502-9 

Ces recherches ont été réalisées grâce au soutien de l’Organisation Panaméricaine de la Santé ; de l’Organisation Mondiale de la Santé ; du Ministère français de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ; de la Commission Européenne ; de Santé publique France ; de l’Agence Nationale de la Recherche ; de la Fondation d’appui à la recherche de l’Etat d’Amazonas (Fundação de Amparo à Pesquisa do Estado do Amazonas) ; du Ministère de la santé du Brésil ; de la Fondation Oswaldo Cruz ; des Instituts américains de la santé (National Institutes of Health).