Les insecticides botaniques: produits naturels larvicides contre les moustiques Aedes aegypti en Guyane
Les produits naturels se sont révélés être une source incommensurable de composés bioactifs. La biodiversité exceptionnelle rencontrée en Amazonie, ainsi que la richesse de l'entomofaune et les interactions fréquentes avec divers herbivores, constituent le creuset d'une chimiodiversité prometteuse. Cela a incité les chercheurs du CNRS en partenariat notamment avec les chercheurs de l’IP Guyane à explorer la flore guyanaise pour la découverte de nouveaux insecticides d’origine végétale. Étant donné que ce département français d'outre-mer est confronté à de graves problèmes liés aux insectes, notamment la forte incidence de maladies infectieuses à vecteur, les chercheurs ont décidé de centrer cette étude sur les produits permettant de contrôler le moustique Aedes aegypti. Ils ont testé 452 extraits issus de 85 espèces provenant de 36 familles botaniques et collectées dans des environnements contrastés contre une souche de laboratoire d’Aedes aegypti sensible à tous les insecticides, ainsi qu’une population naturelle résistante aux insecticides (pyréthroïdes et organophosphates) collectée à Cayenne pour les extraits les plus actifs. Huit espèces (Maytenus oblongata Reissek, Celastraceae; Costus erythrothyrsus Loes., Costaceae; Humiria balsamifera Aubl., Humiriaceae; Sextonia rubra (Mez) van der Werff, Lauraceae; Piper hispidum Sw., Piperaceae ; Laetia procera (Poepp.) Eichl.,Salicaceae; Matayba arborescens (Aubl.) Radlk., Sapindaceae et Cupania scrobitulata Rich., Sapindaceae) ont conduit à des extraits présentant une mortalité larvaire supérieure à 50% après 48h d'exposition à 100 µg / mL contre la population naturelle. Une analyse multivariée a montré que les solvants, les tissus végétaux, la famille de plantes et le lieu de collecte avaient un effet significatif sur la mortalité, contrairement à la lumière, aux ressources disponibles et au type de végétation. À travers cette étude de cas, les chercheurs ont mis en évidence le fait que la prise en compte des mécanismes de chimie défensive des plantes est cruciale lors de la recherche de nouveaux produits insecticides.
Ce travail vient d’être publié dans Acta Tropica, pour plus d’information cliquer sur :
Cette étude a été financée par le Fonds européen de développement régional (FEDER; projet « Insecticides »), par le Conseil Régional de Guyane et par la Fondation Air Liquide. Elle a été réalisée dans le cadre du Laboratoire d’Excellence CEBA (Centre d’Etude de la Biodiversité Amazonienne; ANR-10-LABX-25-01) et du consortium STRonGer coordonné par l’Institut Pasteur de la Guyane, et a bénéficié de l’infrastructure nationale en biologie santé ANAEE-France (ANR-11-INBS-0001) à travers l’utilisation de la plate-forme PEARL de l’INRA-U3E.
Ce travail a également conduit à l'élaboration du projet FEDER SEXTONIAedes, actuellement en cours, et centré sur l'étude des propriétés larvicides du bois de grignon franc (Sextonia rubra), un arbre présentant une grande durabilité et de ce fait largement utilisé dans la construction locale en Guyane. L'objectif de ce projet est de participer à une meilleure valorisation des biomolécules présentes dans les sciures générées par l'industrie forestière et à ce jour seulement utilisées dans le cadre de la filière biomasse énergie. Des résultats positifs pourront également soutenir le brevet déposé précédemment notamment par le CNRS et l'Institut Pasteur sur les propriétés insecticides de l'extrait de Sextonia rubra et de ses constituants (WO 2016/046489 A1).