La résistance aux traitements contre le paludisme progresse en Amazonie

Tous les traitements recommandés contre le paludisme comprennent un médicament appelé artémisinine ou certains de ses dérivés. Cependant, on craint que Plasmodium falciparum, le parasite qui cause la plupart des cas de paludisme, finisse par développer une résistance généralisée au médicament. Une souche de P. falciparum partiellement résistante à l'artémisinine a été observée au Cambodge en 2008 et s'est depuis propagée dans toute l'Asie du Sud-Est. La résistance semble être principalement liée à une mutation connue sous le nom de pfk13 C580Y.
L'Asie du Sud-Est et l'Amazonie sont considérées comme des points chauds pour la résistance aux antipaludiques, et la mutation pfk13 C580Y a été détectée au Guyana, pays du plateau des Guyanes en Amérique du sud, en 2010. Pour examiner si la mutation circulait toujours dans cette partie du monde, les chercheurs du laboratoire de Parasitologie de l’Institut Pasteur de la Guyane ont collecté et analysé 854 échantillons en provenance de différentes région du Guyana entre 2016 et 2017. Ils ont montré que 1,6% des échantillons présentaient la mutation pfk13 C580Y, mais ce nombre atteignait 8,8% dans une région frontalière du Venezuela. Des analyses supplémentaires ont révélé que la mutation du Guyana ne s'est pas propagée depuis l'Asie du Sud-Est, mais qu'elle s'est produite en Amazonie, indépendamment.
Pour mieux comprendre l'impact de la mutation pfk13 C580Y, les chercheurs de la même équipe ont introduit ce changement génétique dans des parasites non résistants d'un pays voisin, la Guyane. Comme prévu, la mutation a rendu P. falciparum très résistant à l'artémisinine, mais elle a également ralenti le taux de croissance du parasite. Cet inconvénient peut expliquer pourquoi la mutation ne s'est pas propagée plus rapidement au Guyana ces dernières années.

Ces travaux viennent d’être publiés dans le journal eLife (2020;9 :e51015).


En effet, l'artémisinine et ses dérivés sont toujours associés à d'autres antipaludiques pour justement ralentir le développement de la résistance. Il y a maintenant des inquiétudes que cette sensibilité réduite à l'artémisinine entraîne une résistance aux médicaments partenaires. Des recherches supplémentaires sont aussi nécessaires pour évaluer comment cette mutation affecte la réponse du parasite à l’association artémisinine/molécule partenaire administrée aux patients. Des travaux complémentaire sont actuellement en cours au laboratoire de parasitologie* à l’Institut Pasteur de la Guyane pour évaluer la vitesse d’acquisition de cette résistance.

 

*Le laboratoire de parasitologie est aussi désigné Centre National de Référence du Paludisme pour la France et Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la surveillance des résistances aux antipaludiques.

Photo: Lise Musset, responsable du laboratoire de Parasitologie et Luana Mathieu, doctorante